PARLEMENT - Le gouvernement autorisé à filtrer Internet

Les députés ont adopté mercredi soir un texte permettant à l'exécutif de filtrer Internet sans intervention du juge.

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Les députés ont adopté l'article 4 de la Loppsi 2, qui permet au gouvernement de filtrer Internet
Les députés ont adopté l'article 4 de la Loppsi 2, qui permet au gouvernement de filtrer Internet © Le Parisien / Maxppp

Temps de lecture : 3 min

Les échanges ont été tendus à l'Assemblée, mercredi soir, où l'atmosphère rappelait celle entourant l'adoption de la loi antipiratage Hadopi. Dans un hémicycle peu garni, quelques députés technophiles de tous bords se battaient contre une machine législative qui leur semble s'être quelque peu emballée. L'article 4 du projet de loi Loppsi 2, texte fourre-tout sur la sécurité intérieure, a finalement été adopté. Il permettra au gouvernement de filtrer Internet au moyen d'une liste noire établie par le ministère de l'Intérieur, sans intervention du pouvoir judiciaire. Une mesure que le gouvernement justifie par la nécessité de mieux lutter contre les sites pédophiles et la cybercriminalité en général.

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Les députés d'opposition dans leur ensemble ont adopté une posture anti-Loppsi et la majorité n'est pas non plus réunie derrière le texte du gouvernement. "Il n'y a pas de clivage droite-gauche sur ce sujet", explique au Point.fr Laure de La Raudière, députée UMP d'Eure-et-Loir. Fermement opposée au filtrage d'Internet, tout comme une poignée de députés technophiles de tous bords, elle le juge "inefficace" même si "tous les députés sont naturellement d'accord avec l'objectif consensuel" de lutte contre la pédopornographie. Reste qu'elle n'a pas voté contre cet article.

Le ministère fournira la liste noire

L'exaspération est partagée par Lionel Tardy, seul député UMP (Haute-Savoie) à avoir voté contre l'article 4. Les sites pédophiles visent, selon lui, "un public très restreint mais extrêmement motivé, malheureusement, qui n'hésitera pas à faire les recherches nécessaires pour trouver ces sites". "Le filtrage, quel qu'il soit, n'y fera rien." D'après celui qui s'était déjà opposé à la loi Hadopi, "il faut agir à la source, là où se trouvent les serveurs. C'est possible par le biais d'accords internationaux puisque l'on connaît les pays qui posent problème".

Ces défections de certains membres de la majorité agacent les défenseurs de l'article 4. "J'avoue que j'ai du mal à comprendre certaines réticences", s'exclame Éric Ciotti, rapporteur de la loi. "Le ministère de l'Intérieur transmettra aux fournisseurs d'accès à Internet une liste noire", a-t-il expliqué lors des débats, car c'est "le seul moyen de bloquer ces sites hébergés à l'étranger". Finalement, Patrick Bloche résume la colère des opposants au texte. L'élu, qui fait partie des quatre députés socialistes présents lors du vote, s'étonne : "Dans cet article, l'on ne parle pas des victimes ni des auteurs, de ceux qui fabriquent ces images et ces films. C'est eux qu'il faut traquer." Il regrette que l'Assemblée n'ait pas voté la réintégration de l'autorité judiciaire, car "sans les garanties qu'offre le juge, il y a un risque de dégâts collatéraux", c'est-à-dire que des sites non pédophiles soient aussi filtrés.

Dispositif inefficace à l'étranger

Les expériences de listes noires à l'étranger ont toutes été des fiascos. La pire étant la liste australienne, dont le contenu avait été dévoilé en mars 2009 par WikiLeaks. Parmi les 2.000 sites pédophiles, censés être les seuls visés par la loi, on trouvait des adresses inattendues. Ainsi, des sites de poker en ligne, des vidéos de YouTube ou encore la page personnelle d'un dentiste étaient filtrés. Tout comme certaines pages de WikiLeaks, qui devenait politiquement dérangeant pour le gouvernement australien.

Les récents événements liés à l'hébergement de WikiLeaks en France font craindre le pire aux associations. Le ministre de l'Industrie et de l'Économie numérique Éric Besson a souhaité forcer la main à OVH, hébergeur français de WikiLeaks, pour qu'il suspende le site spécialisé dans la révélation de documents confidentiels. Avec l'article 4 de la Loppsi 2, le ministre aurait-il pu filtrer WikiLeaks en France ? "Pas sûr", tempère Patrick Bloche. De son côté, Laure de La Raudière n'exclut pas des dérives, mais "seul l'avenir nous dira" si les craintes sont fondées. Ce qui est sûr, selon Patrick Bloche, c'est que "si on dépensait autant d'efforts techniques contre les sites pédopornographiques que contre WikiLeaks aujourd'hui, on pourrait presque les éradiquer".

Commentaires (110)

  • Le Lampiste

    Si je comprend bien vos longues tirades, puis-je résumer ainsi : "le peuple a les représentants qu'il mérite" : serait-ce la version constitutionnalisée de la pensée de Frédéric-Guillaume 1er : "au peuple ignorant et stupide, il faut un aiguillon et du foin" ? Donc, si je poursuis, il faudrait peut-être épurer ce peuple qui sait si mal choisir ses représentants, puisque la corruption est inhérente à ce peuple si peu éduqué politiquement ? Le débarrasser des imbéciles qui ne connaissent que des rêves grossiers et capitalistes ? Cela ne ressemblerait il pas furieusement à la libération de Phnom-Penh par les Khmers Rouges et à cette magnifique régénération du peuple cambodgien par ces fils de la Raison ?
    C'est tout de même fort de café (même issu du commerce équitable) de vouloir excuser la corruption politique par l'incompétence du peuple, surtout pour un anar... Permettez moi de vous dire que s'il parait souhaitable de noyer les idiots, il faut aussi s'assurer de savoir soi-même bien nager. Pour ma part, je ne ferai jamais l'amalgame entre de menus larcins, l'indélicatesse, voire la fraude d'un individu isolé et celle organisée au sein de groupes politiques qui doivent être les garants de la morale, primant, d'ailleurs, la légalité. Sur ce, Joyeux Noël [...] !

  • Hacyran

    (je n'ai toujours pas saisi le coup du pélican… :)

    Je ne disais pas non plus que la Chine était la pire des dictatures ; il reste la Corée du Nord, la Birmanie et la plupart des monarchies non parlementaires, dieu merci. ;)
    Mais sur le registre qui nous occupe, celui de la liberté d'expression, la France et la Chine sont aussi éloignées qu'elles le sont géographiquement. C'est pourquoi je prétends qu'il ne faut pas être outrancier et sortir des bêtises grosse comme des immeubles (je ne parle pas de toi), du style : "je me suis réveillé en Chine". Au mieux, il est malheureux que cette introduction provocatrice ne soit pas atténué par une suite d'arguments qui permettraient de se faire une idée plus précise sur la conscience politique de celui qui l'exprime.

    Cela étant, quand tu dis "On peut comprendre les difficultés des dirigeants", pour expliquer qu'on peut légitimer le manque de libertés en Chine, n'es - tu pas en train de dire qu'on a le droit d'entraver un peuple si c'est pour son bien ? N'est - ce pas la définition exacte du fascisme par Mussolini ? Je partage ton raisonnement sur le fond, mais comment savoir si les dirigeants chinois placent bien le curseur au bon endroit pour éviter l'implosion, ou s'ils ne font que se réserver une marge de manœuvre pour s'accrocher au pouvoir alors que la chute du système mono partite est inéluctable ? Jusqu'où peut aller le relativisme ? Jusqu'à l'accepter pour son propre pays ?

    Je ne partage en revanche pas le reste de ton intervention, que je trouve limite complotophile ('scuse), mais il n'y a vraiment pas la place ici pour que je m'étende dessus. Je pense simplement que ce ne sont pas les hommes, corruptibles par nature, qui sont le problème, mais bien le système qui, lui, est "corruptif". Et je réaffirme que l'écrasante majorité des gens, s'ils étaient à la place des politiques, feraient strictement les mêmes choses. Entre son portefeuille et celui des autres, le choix est généralement vite fait…

    D'après un sondage Ipsos de'95, les vœux les plus fous des Français sont, dans l'ordre : gagner au loto, faire le tour du monde, rajeunir de 10 ans, avoir assez d'argent pour arrêter de travailler, devenir patron de son entreprise, etc. C'est dire si le capitalisme a encore de beaux jours devant lui. :)

  • Hacyran

    Je ne veux pas paraitre désobligeant, mais il me semble que tu as lu mon intervention en diagonale. Je ne disais absolument pas que nous avions, en France, la panacée des hommes politiques. Ce que je disais pouvait en fait se réduire à cette seule phrase : on a les représentants qu'on mérite !
    Prenons un exemple : la corruption. On trouvera toujours une majorité de gens pour gueuler que tel homme/femme politique a profité de son poste pour s'en mettre un peu dans les poches, utiliser indument un appartement du parc public, ou faciliter l'embauche de son petit - neveu par alliance. Les mêmes râleurs oublient généralement que, dans la même situation, *plus de 90% des français en auraient fait autant* !
    La démocratie, c'est le pouvoir au peuple, pas aux représentants du peuple. Si le peuple continue à faire confiance aux représentants qu'il continue à élire, il n'a à s'en prendre qu'à lui - même jusqu'à ce qu'il comprenne que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
    J'ai +40 ans, j'ai fréquenté des gens de tous horizons, j'en ai rarement connu d'incorruptibles, ne serait - ce que pour grappiller quelques euros au supermarché quand la caissière a oublié un article, ou pour faire embaucher le même petit - neveu par alliance. Ce n'est pas la même échelle, tu diras. Je répondrai que les petits ruisseaux font les grandes rivières.
    On lit plus bas que "Les démocraties sont devenues ingouvernables parce que prisonnières des minorités". Préfèrerait - on la dictature de la majorité ?
    Faut - il rappeler que la peine de mort a été supprimée alors que la majorité des gens était contre cette suppression ? D'aucuns le déploreront ; moi je m'en réjouis.
    Quand le peuple sera meilleur, ses représentants seront meilleurs.
    Personnellement, je ne vote plus. J'en ai marre de jouer à un jeu où les joueurs et les arbitres passent leur temps à contourner les règles. Eh oui, je suis anarchiste (sens politique), mais si j'avais dit ça avant, on m'aurait répondu que je n'ai aucune légitimité à exprimer mon avis sur la république, que je n'ai aucune crédibilité...
    Cela étant, dans la circonstance actuelle, je ne fais absolument aucune confiance au peuple pour qu'il se gouverne tout seul. Il faudrait d'abord qu'il sorte de son obscurantisme politique et culturel. Il suffit de parcourir les forums sur Internet pour s'en convaincre.